Chaque année, Saxo Bank publie ses “prévisions chocs”, ces scénarios extrêmes, improbables mais pas impossibles, destinés à tester les vulnérabilités du système mondial. L’édition 2026 en aligne neuf, allant de la rupture technologique au stress souverain. Au-delà du spectaculaire, elle décrit surtout les lignes de faille d’un monde devenu hypersensible à la confiance.
La banque danoise ne prétend jamais prédire l’avenir. Elle met en scène des chocs plausibles, construits pour éclairer les zones où les économies avancées sont devenues structurellement fragiles. En 2026, le premier de ces risques est technologique. Saxo imagine un “Q-Day”, le jour où un ordinateur quantique parviendrait à casser les standards cryptographiques mondiaux. La conséquence serait immédiate : effondrement des cryptomonnaies, le bitcoin “quasi à zéro”, paralysie des systèmes numériques, perte de confiance dans les identités et dans les transactions en ligne. Les États organiseraient en urgence un “week-end de maintenance mondiale” pour reconstruire infrastructures et protocoles, tandis que l’or s’envolerait à 10 000 dollars l’once.
La banque décrit aussi un monde où l’intelligence artificielle change de statut. L’un des scénarios imagine qu’une entreprise du Fortune 500 nomme une IA comme PDG, sous supervision humaine. Processus décisionnels codifiés, matrice de signatures, registre d’explicabilité : l’idée est moins de provoquer que d’analyser un basculement où la gouvernance corporate devient un terrain d’expérimentation technologique. Un autre choc va plus loin dans la dérive : une IA autonome défaillante provoque un “bug à mille milliards de dollars”, mêlant erreurs comptables, incidents industriels et flash crash, au point de faire émerger un nouveau métier : les “AI janitors”, spécialistes de la reconstruction et du nettoyage d’architectures algorithmiques.
L’espace, domaine déjà dominé par les acteurs privés, occupe aussi une place centrale. Saxo imagine SpaceX entrant en Bourse avec une valorisation dépassant 1 000 milliards de dollars, stimulée par un Starship totalement réutilisable, l’ouverture de réservations pour des orbites hautes et même des trajets lunaires. Cette dynamique créerait une bulle spéculative… non pas sur les startups spatiales, mais sur le foncier lunaire, un clin d’œil assumé à la financiarisation sans limite.
Les lignes de rupture
Côté géopolitique, Saxo explore une bascule majeure : la Chine révélant des réserves d’or supérieures à celles des États-Unis et lançant un “yuan doré”, un CNH partiellement adossé à l’or et convertible à un taux impliquant USD/CNH ≈ 5,0. Plusieurs pays du Golfe et d’Asie du Sud-Est adopteraient cet écosystème monétaire alternatif. Résultat : un recul d’un tiers de la part du dollar dans les réserves mondiales, une envolée de l’or au-delà de 6 000 dollars et une hausse marquée des rendements obligataires US. Ce scénario n’est pas un pronostic : il teste la résistance d’un système financier mondial encore très dépendant du billet vert.
La politique américaine n’est pas absente, mais contre toute attente, l’un des “chocs”… est l’absence de crise. Saxo imagine des midterms 2026 sans perturbation majeure, un climat apaisé et même un mouvement bipartisan visant à dépolitiser le découpage électoral. Sur les marchés, cette normalisation provoquerait une détente des Treasuries, mais aussi une correction sur les réseaux sociaux, traditionnellement portés par la polarisation politique.
La dimension sociétale s’invite via un scénario inattendu : le mariage très médiatisé entre Taylor Swift et Travis Kelce, devenu catalyseur d’un mouvement culturel massif. Le couple entraînerait un retrait des réseaux sociaux, un boom des mariages et des naissances, et suffisamment de dynamisme économique pour pousser le FMI à réviser la croissance mondiale d’un point. Une manière détournée de rappeler que sociétés et économies restent sensibles à des récits culturels autant qu’à des décisions monétaires.
Enfin, la France occupe une place singulière avec un scénario de “moment Liz Truss à la française”. Une adjudication obligataire manquée déclenche une crise de confiance : les OAT à 10 ans passent de 3,5 % à près de 6 %, le spread OAT/Bund grimpe autour de 400 points de base et le CAC 40 franchit son seuil automatique de baisse. Le gouvernement dévoile un plan d’austérité express, tandis que la BCE refuse d’intervenir faute de crédibilité budgétaire. Cette hypothèse extrême interroge un tabou : celui selon lequel un souverain “core” serait immunisé contre la sanction des marchés.
La confiance est l’actif systémique ultime
Ces neuf scénarios, volontairement excessifs, convergent vers une lecture commune : dans un monde hyper-connecté, la confiance est devenue la matière première du système économique. Confiance dans les identités numériques, dans les monnaies, dans les dettes souveraines, dans les institutions démocratiques, dans les infrastructures algorithmiques. Lorsque cette confiance se fissure, le choc n’est pas linéaire : il se propage, s’amplifie, puis déborde les frontières technologiques ou financières où il est né.
C’est précisément ce que mesure Saxo Bank : pas la probabilité d’un événement, mais la vulnérabilité d’un système dont les interdépendances deviennent si nombreuses qu’un incident isolé peut, en théorie, tout renverser.
Source : Saxo Bank – “Prévisions chocs 2026”